Nuit du Blues de Carpentras : une 15ème édition d’une qualité exceptionnelle

Texte et photos Jean-Claude Uranga

Pour leur 15ème édition, les responsables de l’association Auzon le Blues ont réussi leur pari, en choisissant de présenter deux artistes évoluant dans un registre musical différent, mais avec cependant un point commun, celui d’un itinéraire de vie marqué par des moments très difficiles et un répertoire de titres souvent introspectif.

 

Kaz Hawkins1Kaz Hawkins

 

Devant un public de connaisseurs (jauge évaluée à 80 % par les organisateurs), dont certains, comme Uwe, venu de loin (Francfort), Kaz Hawkins, installée désormais à Paris, a gratifié le public d’un show à la fois vivifiant et émouvant. La chanteuse irlandaise, originaire de Belfast, qui affirme haut et fort que le Blues est une connexion entre elle-même et son public, n’a pas trahi cette philosophie. Ma vie est mon Blues est une affirmation qui se retrouve dans la majorité des morceaux interprétés avec force et conviction. Les références parlent d’elles-mêmes, avec des clins d’œil à Etta James, Nina Simone, Aretha Franklin, Koko Taylor et Willie Dixon.

 

Kaz Hawkins2Kaz Hawkins

 

Un titre comme Pray est interprété avec les tripes pour célébrer les grands auteurs et compositeurs de Blues, et maintenir leur héritage en vie. Lipstick and Cocaïne et One More Fight sont deux hymnes faisant appel à la volonté de survivre et un témoignage très réaliste d’un vécu sans concession, après être sortie vivante d’un enfer de drogue et d’alcool de 7 ans. En plus d’une voix peu commune, Kaz Hawkins s’est également accompagnée sur certains titres avec une guitare acoustique et un bodhran (tambour irlandais).

 

Le guitariste belge de Kaz Hawkins Stef PagliaLe guitariste belge de Kaz Hawkins Stef Paglia

 

Entourée de musiciens français très professionnels évoluant à leur meilleur niveau, Amaury Blanchard (bat), Cédric Le Goff (clav), Julien Boisseau (bs) et d’un guitariste belge Stef Paglia, par moment en fusion avec son instrument, faisant se lever le public avec des soli d’une intensité et d’une technicité exceptionnelle, sans doute un des moments fort de la soirée. Après avoir remercié le public pour son soutien à la musique live et au Blues en général, la chanteuse a terminé son show, après un rappel, par un final de feu avec un mix de Muddy Waters, I’m a Woman et I Just Want Make Love To You, emportant dans un Rock endiablé son public définitivement conquis, à la fois ému, heureux et chamboulé.

 

Kaz Hawkins et son bandKaz Hawkins et son band

 

 

 

Walter Trout et son bandWalter Trout et son band

 

Autre survivant et miraculé (après une greffe de foie), le baroudeur Walter Trout, guitariste américain, a été égal à lui-même et n’a pas trahi sa réputation de virtuose de la 6 cordes. Ayant emprunté la voie royale du Blues en évoluant au sein de groupes mythiques comme Cannet Heat (1981) ou les Bluesbreakers de John Mayall (Walter Trout précise dans un interview que le meilleur solo de sa carrière figure dans l’album Chicago Line sur le titre One Life To Live) et ayant côtoyé des monstres comme Peter Green, Eric Clapton, Mick Taylor, Joe Bonamassa, Coco Montoya (qu’il qualifie lui-même de propre frangin, Walter Trout possède de solides références.

 

Walter TroutWalter Trout

 

Le public présent aura donc eu le privilège de l’écouter en direct, pour son unique concert de l'année en France. Plusieurs titres joués figurent sur ses albums Rescued From Reality, Survivor Blues, ne laissant planer aucun doute sur son parcours de vie tumultueux et le thème de ses compositions. Epaulé par une section rythmique de plomb et de sidemen de qualité, Johany Griparic (bs), Juan Van Emmerloot (bat) et Bob Fridzema (clav), le guitariste à la Srato de feu (qui va bientôt enregistrer son 30ème album) a proposé un concert bien huilé et sans faille, confirmant qu’il était bien le boss, en prenant les choses en mains pendant toute la durée du concert et en donnant le tempo sur chaque titre (Broken Heart, Lost, You Can’t Live, Someone You Love...). Un rappel sur un Rock endiablé a précipité le public devant la scène pour un final de folie.


Le clavier de Walter Trout Bob FridzemaLe clavier de Walter Trout Bob Fridzema

 


15 ans que la troupe de passionnés d’Auzon le Blues, rassemblé autour du président Pierre Le Goff, se bât pour que la musique du diable continue à bercer les nuits des Carpentrassiens, après 2 années de disette pandémique (2020 et 2021). Ce dernier concert, d’une qualité exceptionnelle a redonné le moral aux amateurs de cette musique universelle. Croisons les doigts pour que pour les rumeurs (évoquées par plusieurs de ses dirigeants) de mise en sommeil et même d’arrêt de l’association ne se confirment pas !