Photos et propos recueillis en janvier 2019 par Didier Fouquesolle
Nous avons profité du passage de Kyla Brox en France, quelques jours avant son départ à l’International Blues Challenge de Memphis, pour faire un peu mieux connaissance.
Blues Magazine > Bonjour, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Kyla Brox > Bonjour, je m’appelle Kyla Brox, je suis anglaise, chanteuse de Blues, et je viens de finir un concert à l’Odéon de Tremblay en France (93), devant un public qui a vraiment beaucoup de cœur.
BM > Ce n’est pas ton 1er concert en France ?
KB > J’aime bien la France où j’ai passé beaucoup de temps avec mon père qui habitait Bordeaux et maintenant, je suis très contente de faire des concerts ici. Je reviens souvent en France, voir des amis, jouer avec eux et bien entendu les bonnes choses à boire et manger.
BM > Tu parlais de ton père (Victor Brox, chanteur, musicien de Blues). Tu as donc baigné dans un univers musical depuis ton plus jeune âge.
KB > Oui, j’ai commencé à chanter avec mon père, très jeune et, déjà, je voulais en faire mon métier. Tout le monde dans la famille était musicien, ma mère chantait dans le même groupe que mon père, avant de se tourner vers l’Opéra. J’ai trois sœurs et un frère plus âgés que moi, et tous ont été musiciens professionnels, mais il n’y a que mon frère et moi qui avons continué.
BM > À quel âge as-tu commencé la pratique d’un instrument ?
KB > Mon père m’a offert une flûte traversière et, à 9 ans, j’ai commencé à prendre des cours avec un professeur de musique classique, pendant 8 ans. J’ai fait mes débuts à la flûte dans un groupe à 22 ans.
BM > Pratiques-tu d’autres instruments ?
KB > Oui, je joue aussi de la guitare que j’ai apprise en autodidacte, et il y a ma voix. J’ai pris des cours avec une chanteuse d’Opéra qui voulait que je continue dans cette direction, mais moi, ce que je voulais faire, c’était de chanter le Blues.
BM > Tu as terminé ton set par Wang Dand Doodle de Koko Taylor. Quelles sont les artistes qui t’ont inspirée ?
KB > J’aime beaucoup Koko Taylor. Hier, en Angleterre, j’ai fait un concert de reprises de ses chansons. Il y a aussi Etta James, Nina Simone, Big Mama Thornton, et j’ai aussi beaucoup chanté du Bessie Smith à mes débuts. J’apprécie également BB King, Howlin’ Wolf, et un de mes disques préféré est Free Beer and Chicken de John Lee Hooker.
BM > Y a-t-il des artistes plus contemporains que tu apprécies ?
KB > Oui, bien sûr, des musiciens comme Eric Bibb, Shemekia Copeland, Sharrie Williams. Et en France, il y a aussi une scène avec de très bons musiciens Blues, certains avec qui j’ai fait mes classes lors de jams organisées par mon père à Bordeaux, et avec qui je suis restée amie.
BM > Avoir été sélectionnée pour représenter l’Angleterre à l’International et l’European Blues Challenge représente quoi pour toi ?
KB > Je ne suis jamais allée à Memphis, et pouvoir jouer sur Beale Street est vraiment un rêve pour moi. Quand j’ai gagné l’UK Blues Challenge, j’étais vraiment heureuse de pouvoir aller chanter sur les Terres du Blues, mais maintenant que l’échéance se rapproche, il y a la pression qui monte, mais c’est une bonne chose.
BM > De quels morceaux sera composé ton set ?
KB > De compositions originales, sans aucunes reprises, mais que du Blues. Pour l’European Blues Challenge, je ne sais pas encore, on verra après Memphis, chaque chose en son temps.
BM > Que penses-tu tirer des ces deux challenges ? Des contacts, des tournées ?
KB > De superbes moments déjà à titre personnel, des rencontres avec d’autres musiciens, peut-être prendre des contacts, mais des concerts aux USA me paraissent impossibles, car j’ai deux enfants, et ce serait compliqué à gérer.
BM > Tu sors un nouvel album, comment s’est passée la phase de création ?
KB > Pour la musique, c’est une combinaison de mes propres compositions faites à la guitare et de celles de mon mari bassiste, Danny Blomeley et de Paul Farr guitariste du groupe, mais je me suis chargée de l’écriture des textes.
BM > Cet album paraît plus posé, peut-être plus personnel. Quels sont les thèmes abordés ?
KB > Les chansons parlent de politique, d’amour, de mes enfants, de tentations, de ma vie de chanteuse de Blues. C’est un reflet sur les joies et les peines que j’ai vécues ces 18 derniers mois. J’ai perdu mon ami Jimi Bone il y a 1 an, et cet album lui est entièrement dédié, et la chanson Sensitive Soul a été écrite pour lui.
BM > Maintenant parlons de ton parcourt lors des 2 challenges et de cette magnifique 1ère place décrochée aux Açores. Peux-tu revenir sur ces moments, le fait de jouer à Memphis, l’ambiance des concerts ?
KB > Ça a été une expérience fabuleuse de jouer dans la mythique Memphis, Beale Street, ce lieu emblématique de la riche histoire du Blues, berceau de la musique moderne. À chaque concert, un public enthousiaste, de plus en plus nombreux au fil des 4 soirs où nous avons joués. Lors de notre dernier défi, en ½ finale, la salle, pleine à craquer, a du fermer ses portes et des gens se pressaient à l’extérieur pour tenter d’écouter notre show. Je me suis sentie soulevée, envahie par tant de chaleur dans ce temple du Blues.
BM > Qu’elles sont les différences entre ces 2 compétitions ?
KB > L’IBC et l’EBC sont très différents. À Memphis, dans tout Beale Street, il y a 250 concerts, dans chaque lieu des juges notent les concurrents pour les départager, à chaque palier, jusqu’à finale qui se joue dans la belle salle de l’Orpheum Theater. Les ¼ de finale se jouent en 2 manches, les scores de 2 prestations sont additionnées et ouvrent la porte des ½ finales aux mieux classés. Pour l’EBC, cela ressemble plus à la finale de l’IBC, le challenge se déroule dans un lieu unique, il n’y a que 22 groupes qui jouent devant les mêmes juges. La salle était superbe et comptait un large public. J’ai adorée relever ces défis même si j’étais triste de ne pas aller en finale à Memphis.
BM > Quels ont été les échanges entre les musiciens des différentes nationalités ?
KB > À Memphis, nous avons rencontrés des Américains, des Canadiens, et aussi plus particulièrement le Dynamite Blues Band des Pays Bas, avec qui nous avons lié des liens. Cependant, il y a tellement de groupes dans des lieux différents qu’il est impossible de voir ou rencontrer tout le monde. Aux Açores, je me suis assurée de voir chaque groupe, et j’ai vraiment apprécié de rencontrer ces musiciens venus de toute l’Europe. Mais à chaque fois, il y a eu un feeling entre tous les acteurs.
BM > Quels enseignement as-tu pris de ces expériences ?
KB > Avant d’arriver à Memphis, je ne voulais pas considérer cela comme une compétition, et même si j’étais très déçue de ne pas arriver en finale, je me suis très vite rendue compte que c’était une vitrine incroyable. Nous devions jouer pour les fans de Blues, les promoteurs, les journalistes du monde entier. Alors, quand nous étions à l’EBC, je savais que même si nous ne gagnions pas, ce serait un excellent moyen de mettre notre musique en valeur. Bien sûr, la victoire a été la cerise sur le gâteau.
BM > Penses-tu que cela peut donner une autre dimension à ta carrière ?
KB > Nous récoltons déjà les fruits de nos prestations de Memphis et aux Açores. Cela nous offre une plus grande couverture médiatique, notre musique est plus diffusée, nous avons de nombreuses nouvelles propositions pour jouer dans différents pays. Participer, pour le Royaume Uni, à l’International et l’European Blues Challenge a été comme de prendre une gigantesque montagne Russe émotionnelle, mais certainement, une immense opportunité pour ma carrière. Je suis très heureuse.
BM > Merci Kyla d’avoir pris de ton temps pour répondre à nos questions avec tant de gentillesse, de sincérité et dans un très bon français. As-tu un mot à rajouter ?
KB > Je remercie le public français que j’espère avoir l’occasion de revoir plus souvent, et merci à vous.
BM > Nous laissons Kyla savourer son bonheur, espérant la retrouver très prochainement en France.
KYLA BROX
Pain & Glory
Pigskin Records
www.kylabrox.com
Au travers de cet album, Kyla Brox nous ouvre une porte sur son univers, reflet de son existence, de ses réflexions. Sa superbe voix, pure et puissante, nous transporte d’émotion au fil de variations harmoniques parfaitement maîtrisées. C’est aussi un voyage musical aux ambiances variées, puisant ses racines dans toutes les influences qui ont forgé son identité. S’accompagnant parfois à la flûte traversière, Kyla nous interprète avec son groupe, Danny Blomeley (bs), Paul Farr (gtr), Mark Warburton (bat), 15 compositions originales sur des rythmes passant par le Blues, la Soul, le Jazz et les sonorités Funky. Une formation de cuivres, un harmonica et un piano viennent élargir le groupe et apportent une touche Swing et un groove percutant à cette superbe palette musicale. L’opus se termine sur une très belle version d’Hallelujah de Leonard Cohen. Un très bon album dont chaque écoute nous révèle de nouvelles nuances, de plus livré dans un bel écrin.
Didier Fouquesolle